Je triomphais; l'Amour était le maître,

Et je touchais à ces moments trop courts

De mon bonheur, et du vôtre peut-être.

Mais un tyran veut troubler nos beaux jours;

C'est votre époux. Geôlier sexagénaire,

Il a fermé le libre sanctuaire

De vos appas; et, trompant nos désirs,

Il tient la clef du séjour des plaisirs.

Pour éclaircir ce douloureux mystère,

D'un peu plus haut reprenons cette affaire.

Vous connaissez la déesse Cérès:

Or en son temps Cérès eut une fille,

Semblable à vous, à vos scrupules près,

Brune, piquante, honneur de sa famille,

Tendre surtout, et menant à sa cour

L'aveugle enfant que l'on appelle Amour.

Un autre aveugle, hélas! bien moins aimable,

Le triste Hymen, la traita comme vous.

Le vieux Pluton, riche autant qu'haïssable,

Dans les enfers fut son indigne époux.

Il était dieu, mais avare et jaloux:

Il fut cocu, car c'était la justice.

Pirithoüs, son fortuné rival,

Beau, jeune, adroit, complaisant, libéral,

Au dieu Pluton donna le bénéfice

De cocuage. Or ne demandez pas

Comment un homme, avant sa dernière heure,

Put pénétrer dans la sombre demeure:

Cet homme aimait, l'Amour guida ses pas.

Mais aux enfers, comme aux lieux où vous êtes,

Voyez qu'il est peu d'intrigues secrètes!

De sa chaudière, un traître d'espion

Vit le grand cas, et dit tout à Pluton;

Il ajouta que même, à la sourdine,

Plus d'un damné festoyait Proserpine.

Le dieu cornu dans son noir tribunal

Fit convoquer son sénat infernal;

Il assembla les détestables âmes

De tous ses saints dévolus aux enfers,

Qui, dès longtemps en cocuage experts,

Pendant leur vie ont tourmenté leurs femmes.

Un Florentin lui dit: "Frère et seigneur,

Pour détourner la maligne influence

Dont Votre Altesse a fait l'expérience,

Tuer sa dame est toujours le meilleur:

Mais, las! Seigneur, la vôtre est immortelle.

Je voudrais donc, pour votre sûreté,

Qu'un cadenas, de structure nouvelle,

Fût le garant de sa fidélité:

A la vertu par la force asservie,

Lors vos plaisirs borneront son envie;

Plus ne sera d'amant favorisé.

Et plût aux dieux que, quand j'étais en vie,

D'un tel secret je me fusse avisé!"

A ce discours les damnés applaudirent,

Et sur l'airain les Parques l'écrivirent.

En un moment, feux, enclumes, fourneaux,

Sont préparés aux gouffres infernaux;

Tisiphoné, de ces lieux serrurière,

Au cadenas met la main la première:

Elle l'achève, et des mains de Pluton

Proserpina reçut ce triste don.

On m'a conté qu'essayant son ouvrage,

Le cruel dieu fut ému de pitié,

Qu'avec tendresse il dit à sa moitié:

"Que je vous plains! vous allez être sage."

Or ce secret, aux enfers inventé,

Chez les humains tôt après fut porté;

Et depuis ce, dans Venise et dans Rome,

Il n'est pédant, bourgeois, ni gentilhomme,

Qui, pour garder l'honneur de sa maison,

De cadenas n'ait sa provision.

Là, tout jaloux, sans craindre qu'on le blâme,

Tient sous la clef la vertu de sa femme.

Or votre époux dans Rome a fréquenté;

Chez les méchants on se gâte sans peine,

Et le galant vit fort à la romaine;

Mais son trésor est-il en sûreté?

A ses projets l'Amour sera funeste;

Ce dieu charmant sera votre vengeur:

Car vous m'aimez; et, quand on a le cœur

De femme honnête, on a bientôt le reste.

VOLTAIRE - 1724

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Quittant pour un temps les contrées européennes de cette fin du XIXème, je vous emmène outre-Atlantique rencontrer le bon Dr Kellogg. Ce Monsieur est avant tout un adventiste du 7ème jour. Je ne suis pas un spécialiste des religions et ne fréquentent pas les églises, temples ou autres mosquées, mais tout ce que je peux vous dire c'est que l'Eglise Adventiste est une branche du protestantisme, né en 1860 aux Etats-Unis dans la petite ville de Battle Creek, à côté de Chicago.

C'est une nouvelle église, avec une nouvelle doctrine et des tas de révélations de Dieu que, semble-t-il, a recueilli une des fondatrices Ellen White. Celle qui nous intéresse est datée de 1863, celle des 8 principes de la santé : l'air pur, la lumière du soleil, la nutrition, l'exercice physique, le repos, l'eau, la tempérance et la confiance en Dieu.

C'est avant tout une réforme sanitaire qui met l'accent sur la prévention et une vie saine. La tempérance est à lire dans sa globalité et non pour seul aspect sexuel. N'empêche que cette réforme doit sa célébrité au Dr Kellogg qui prend la direction, de ce que nous appellerions, maintenant un centre de remise en forme, fondé par l'église Adventiste à Battle Creek. On appelait cela le sanitorium à ne pas confondre avec le sanatorium.

Le sanitorium de Battle Creek est créé en 1866. Kellogg en devient directeur en 1876. Le premier bâtiment brule en 1902 avant d'être reconstruit et agrandit par un immeuble de 14 étages. La fréquentation passe de 106 patients en 1866 à 7000 en 1906, époque où il est des "hôpitaux" les plus réputés du monde et fréquenté par la bonne société.

On y enseigne une vie plus saine, avec exercice physique, lavements réguliers du colon et une alimentation végétarienne. C'est à ce titre, que le Dr Kellogg invente avec son frère les Kelloggs Corn Flake pour le déjeuner, mais ce n'est pas tout il est aussi l'inventeur de beaucoup de substitut protéiné à la viande et aux graisses animales, avec la création du, si américain, beurre de cacahouète. Le café, le thé sont proscrits ainsi que des pratiques sexuelles anormales ou trop fréquentes.

La masturbation juvénile ou adulte (ce qui est appelé Solitary Vice) n'échappe pas à cette recherche de tempérance. Le Dr Kellogg y consacre un chapitre entier Plain Facts for Old and Young, publié en 1877. Je dirais que les méthodes proposées sont de leur temps avec un goût prononcé du new-age que le Dr Kellogg promeut.

On trouve d’abord au “menu” des conseils de préventions. Pour les enfants, la dénonciation morale de la masturbation et de ces vices, de l’exercice et encore de l’exercice et  une surveillance de tout les instants, nuit et jour, jusqu’à ce qu’il perde ses mauvaises habitudes. Si l’enfant n’est pas en âge de comprendre la leçon de morale, on passe à la contrainte, aux liens qui attachent ses mains au lit ou à la cage que l’on attache au zizi. Mais surtout le Dr Kellogg est le fervent supporter d’une technique plus définitive :

Un remède qui est quasi toujours couronné de succès chez les jeunes garçons est la circoncision, surtout quand il y a une possibilité de phimosis. L’opération peut être réalisée par un chirurgien sans anesthésie, car la brève douleur conséquente à l’intervention pourra avoir un effet salutaire sur l’esprit, surtout si le garçon vit son opération comme une punition, comme cela peut exister dans certains cas. L’endolorissement qui perdure pendant quelques semaines interrompt une pratique qui, si elle n’était pas précédemment trop ancrée chez le sujet, peut être oubliée et ne pas reprendre. Si l’on choisit de vouloir surprendre l’enfant, celui-ci doit se sentir très attentivement encadré, avec une vigilance telle qu’il ne pourra transgresser l’interdiction sans risquer d’être découvert. S’il est partiellement surveillé, il apprendra rapidement à se jouer de l’observation ; la conséquence sera alors seulement de le rendre plus rusé dans la pratique de son vice.

Les adultes eux sont censés être assez grands pour comprendre les conséquences fatales de continuer à s'abuser. Il n'a plus qu'à prendre une formelle résolution et s'y tenir aidé par les conseils que le Dr Kellogg met gentiment à disposition dans son livre. Il faut alors traiter par une bonne cure au sanitorium les dégâts qu'une longue habitude solitaire a causés. Et alors en avant les lavements, les bains, l'exercice, etc...

Maintenant la prévention ne pourrait pas suffire. Place à la répression ? En fait non, le Dr Kellogg ne voit pas cela ainsi. Et ci certaines pratiques peuvent être lu comme de la petite torture de nos jours, lui le voit comme un traitement d'une cause. L'urètre est irrité et cause le besoin de se palucher, et bien, on va enfiler une sonde électrique 2/3 fois par semaine au sujet pour calmer l'irritation (?). Il faut aussi penser à refroidir les ardeurs par un bon bain d'eau glacée chaque jour. Les lavements chauds ou froids sont d'une grande utilité pour éliminer les toxines, etc...

Nulle trace des horreurs qu'écrit le Dr Pouillet, deux décennies plus tard. En fait, la mémoire collective du XXème siècle a gardé l'idée d'une médecine du Dr Kellogg répressive, mais finalement moins je trouve que d'autres en Europe à la même époque.

Mais il est un domaine où l'héritage du Dr Kellogg perdure dans les pays outre-atlantique (et pas que pour les Corn Flakes et le Beurre de cacahouète), il suffit de regarder la carte de la pratique de la circonsition dans le monde.

Cela parait logique pour les pays mulsumans et Israël, mais pas pour les pays anglo-saxons qui ressortent de cette carte : les Etats-Unis, où on estime que 70 à 80% des mâles sont circonsis, le Canada (30%-50%), maîs aussi l'Australie, la Nouvelle-Zélande (de l'ordre 20-30%). En France le taux de circonsition officiel serait de 13% quand même d'après un sondage TNS, 10% Allemagne, 3% en Espagne et 2% au Denemark.

Ce qui est clair, c'est que les USA ressortent terriblement sur cette carte. Et de nos jours encore 1 bébé mâle sur 2 est coupé avant la sortie de l'hopital. C'est là où en voit la terribles survivances des conseils du bon Dr Kellogg...

dyonisos